L'assassinat de Maurice Marland

Le 22 Juillet 1944 à 6 heures du matin, les Feldgendarmes arrêtent le professeur MARLAND à la Croix du Lude où il est hébergé, il est ensuite amené au presbytère de la Rochelle Normande où la Kommandantur est repliée.  

Là il est reconnu par une jeune femme travaillant au service des Allemands et qui, interrogée un an plus tard, pourra témoigner : (Extrait du rapport du comité cantonal de libération de Granville) "Le 22 Juillet après avoir travaillé la matinée dans la cuisine du château de monsieur de Varenne, elle s'est rendue dans sa chambre située au premier étage du presbytère. Vers quinze heures, elle aperçoit dans la pièce située en dessous un homme qu'elle reconnaît comme étant Monsieur MARLAND, l'air abattu. Sur la table, placée au milieu de la pièce se trouvaient son chapeau et deux mallettes...

 

Après s'être approchée, Maurice MARLAND lui dit "C'est bien triste, Mademoiselle". Un des Felgendarmes lui tendit un morceau de pain sec et fit sortir la jeune femme.

 

Le soir, le professeur se trouvait dans la cave où les Feldgendarmes mettaient leurs détenus. La porte était gardée par un chien de berger.

 

 Entre minuit et une heure du matin, elle entendit une voiture démarrer. Plus tard dans la nuit, se rendant au WC (dans la cour) elle trouva, réunis à l'extérieur du bâtiment, deux Allemands et l'interprète. La porte de la cave était ouverte, il n'y avait plus personne. Elle s'informa de l'endroit où se trouvait le professeur, on lui répondit : Nous venons de le conduire à la Grosskommandantur".  

Une demi-heure après le départ de la voiture de la Rochelle Normande, à une heure trente du matin, les habitants de la Lucerne d'Outremer entendirent cinq à six coups de feu. Le lendemain, on retrouva dans une fosse le corps de Monsieur MARLAND, tué de cinq balles de 9 mm..  

 Villa la croix du lude

Villa "la Croix du Lude"

 A cette date, trois jours avant le déclenchement par les Américains de l'opération "Cobra", les Allemands ont fort à faire pour contenir la pression alliée. Le groupe MARLAND n'est pas pour eux une menace militaire directe. En revanche on est sûr que les hommes de la milice et du P.P.F de Doriot, brûlent de régler leurs comptes avant de quitter le terrain. 

Déjà le 25 Mai 1944 le journal collabo "Au Pilori" avait dénoncé, en termes orduriers bien dans sa manière, Maurice MARLAND comme "Gogolliste", "au faciès juif". Et Doriot lui même est de passage à Granville à la mi-Juillet. Des témoignages montreront que des membres du P.P.F ont approché ou fait approcher Maurice MARLAND pour lui proposer des armes ou solliciter une protection.  

Le 17 Juillet, le Commandant Godard était abattu par les soldats Allemands.

Dénoncé par un proche (les Allemands découvrant non seulement le lieu, la date de son passage à Bréville mais aussi l'endroit où il cache son arme! ) le commandant, se sachant condamné, choisira de mourir en combattant. Le jour de sa mort, c'est en tenue d'officier et l'arme au poing, qu'il affrontera une dernière fois l'ennemi.  

35 article piloriArticle du Pilori (1944)

 

 

Maurice MARLAND est aussitôt prévenu par un agent de liaison qui envoie un de ses anciens élèves l'avertir de sa probable arrestation. Il refuse toute fuite. Il répond que !'on a besoin de lui à Granville, où responsable de la Croix Rouge sous les ordres du Docteur Lavat, il se doit de porter secours aux victimes des bombardements. Il craint également en fuyant, de mettre en péril la vie de ses hommes. Charles de la Morandiére écrit dans son journal à la date du 28 Juillet: "entre lui qui est resté et moi qui ai pris la fuite, qui a eu raison au point de vue civique? La réponse ne peut être douteuse : c'est MARLAND."

Maurice MARLAND meurt assassiné, et il n'y aura aucun témoin à ce meurtre. 

 

Témoignage 

 

« La veille de l'arrestation de Marland, Nourry nous a demandé d'aller à la Haye-Pesnel l demander des comptes à Marie. Là-bas, ils nous ont envoyé à la Mancelière où on a vu le  capitaine anglais « Eric ». Il nous a dit qu'il fallait que nous passions les lignes pour observer. En partant de la ferme on a rencontré 2 gars qui nous ont dit: « on en vient, c'est pas possible »'. On est parti et en revenant, on est allé voir Marland vers 7h. Marland était chez Mme Dagobert rue du Lude. On avait pas vu Marland pour ça et il nous a dit.: 'Maintenant que je vais avoir besoin de vous, ce n'est pas le moment que vous partiez'.

On est parti quand même le lendemain matin …On est allé à Bricqueville. On est resté planqué à Bricqueville toute la journée. Le lendemain, on est reparti; on a pris la route de Coutances pour aller à Hauteville voir Etienvre. Une ambulance est arrivée; c'était une ambulancière qui nous connaissait et elle s’est arrêtée. Elle nous a appris la mort de MarIand. 'Ca nous a coupé les pattes'. Vous ne pouvez pas savoir l'effet que ça nous a fait Cet homme-là qui était avec nous comme un père mais pas comme un chef...

... On a continué quand même. »

René Helieg, 1994

Appendice :

Suite à cette enquête sur Maurice Marland, son fils Serge déposait en 1994 une plainte pour crime contre l'humanité  (Cf. l'article paru dans Ouest-France le 23 juillet 1994) afin que le dossier sur Maurice Marland soit examiné à nouveau. Cette enquête confiée à la gendarmerie d'Avranches a permis de révéler la vérité sur la mort du professeur granvillais en confirmant les actes d'accusations rédigés en 1950 : 

Ce sont les soldats allemands qui l'avaient auparavant arrêté puis interrogé qui ont assassiné Maurice Marland en forêt de la Lucerne le 22 juillet 1944. 

 

Ci-dessous l'acte d'accusation daté du 2 août 1950

Acte d accusation 1

9 acte daccusation dassassinat

 

Obseques1 Obseques3    Obseques4 Obseques2
Obsèques de Maurice Marland le 9 octobre 1944

 

A 52 ans, un professeur, qui comme chacun subit le coup de la défaite la plus terrible de notre histoire, fait le choix du refus. Refus de l'inacceptable qui n'est pas verbal mais actif. D'autres granvillais partagent ce choix et le rejoignent. Ils ne sont pas de ces démocrates fatigués qui tel Sarraut, président du conseil, déclare lors de la réoccupation de la Rhénanie par les troupes hitlériennes (7 mars 1936) :" Nous ne laisserons pas Strasbourg exposé au feu des canons allemands" avant de se coucher.

Nous ne savons pas ce que pensèrent Maurice MARLAND et ses futurs compagnons de Résistance - certains n'étaient encore que des enfants - à ce moment là. Ce que nous savons, c'est qu'ils prirent le risque de mourir pour la liberté. Les risques encourus, Maurice MARLAND les limitait au maximum. Très connu localement, il ne pouvait pas se déguiser en mouton pétainiste ou en admirateur de l'Europe nazie. Il n'aurait pas trompé grand monde. Au contraire, derrière l'image maintenue d'un admirateur de la démocratie britannique - notre alliée - il dissimula efficacement son activité clandestine de résistant. Son groupe fut préservé jusqu'à la Libération. Lui-même trouve la mort dans ce qui apparaît plus comme un crime voulu par les collabos que comme un acte de guerre. Maurice MARLAND n'afficha jamais de préférence partisane. Il suffisait à ses adversaires qu'il fut l'incarnation des valeurs républicaines qu'ils haïssaient. Ces valeurs, Maurice MARLAND ne fit pas que les enseigner, il les pratiqua. C'est en cela qu'aujourd'hui encore il nous enseigne.

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 Maurice Marland et son fils Serge

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Maurice Marland avec son petit-fils, Yann

 

Commentaires (2)

James L Rungee
  • 1. James L Rungee | 06/12/2020
Pictures taken of my Grandfather, Captain Joseph Patton Rungee at Maurice Marland's Funeral procession in Granville, France. My Grandfather is the US soldier standing across the street.

https://photos.app.goo.gl/ohvZU6LBTMgHgFNb9
James L Rungee
  • 2. James L Rungee | 06/12/2020
My Grandfather was a Counter Intelligence Corps officer in the US Army during WWII in Cherbourg. I have pictures that he took of Maurice Marland's funeral that I would love to share with you and any of his family (I only just today discovered where these pictures were taken, and that it was indeed Marland's Funeral procession).

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